samedi 31 mai 2014

Automédication - Mitsabo-tena ! ? !

En malgache, mitsabo-tena signifie "soigner son corps" ou "se soigner" et pourquoi pas "s'auto-médiquer" ?

Qui n'a jamais eu recours à l'automédication, du simple rhume à la petite douleur plus ou moins idiopathique ?

Pour ma part, j'ai déjà testé le "côté négatif" de la chose

Un rhume récalcitrant que j'ai pensé régler à coup de Humex (pas de pub ni de censure sur ce blog) s'est terminé autrement. L'arrêt des dérangeantes écoulements nasales, promis par l'emballage du produit (miracle - pas besoin de consulter) s'est réalisé... sauf qu'au matin les écoulements ont migré au niveau des yeux : faute de se moucher par les voies naturelles, le pus est sorti par les canaux lacrymaux... et j'ai consulté... et mon super médecin traitant m'a mis sous cortisone afin d'éradiquer une sinusite carabinée.

Mettons de côté ma minable petite histoire personnelle et pensons au marché du Zoma, où toute une variété de plantes médicinales sont à la disposition des petits budgets. Ici pas de "mono-principe actif à forte dose" comprimé dans une boîte - au prix exorbitant - mais des racines, des tiges, des graines et des feuilles. Certes ils recèlent aussi une molécule ciblante. Cependant, d'autres vertus se révèlent grâce à une plus ou moins savante combinaison empirique. Il n'en reste que c'est toujours de l'automédication, plus ou moins bien conseillée selon le sermon hypocratique de l'herboriste, rarement hypocrite.

Voici l'essai du jour de Jacques Munier au sujet de l'automédication, que j'ai entendu sur france culture récemment :

Sylvie Fainzang* est anthropologue, africaniste au départ, elle a notamment étudié les relations entre maladie, divination et reproduction sociale chez les Bisa du Burkina, elle a également mené une ethnologie des anciens alcooliques en observant le fonctionnement d’associations du genre « Alcooliques anonymes » qui ont fourni le modèle des associations de malades actuelles, où se développent des pratiques d’information et de conseil en marge de la prise en charge médicale, et surtout elle a conduit une enquête passionnante sur les relations entre médecins et malades, dans l’intimité d’échanges marqués par une dialectique subtile entre information et mensonge, un mensonge réciproque, par omission côté malade et par rétention côté médecin.

Chez les professionnels, les avis sont partagés sur la pratique de l’automédication, les plus réticents étant les médecins. Les risques sont réels, même s’ils ne sont pas l’apanage de l’automédication. Chaque année, des milliers de personnes meurent des effets secondaires de médicaments, lesquels seraient également la cause de dizaines de milliers d’hospitalisations. Il y a aussi le danger des interactions médicamenteuses. Et les médecins signalent le risque du « retard de diagnostic » que peut provoquer l’effacement momentané du symptôme par l’automédication. Mais là, l’argument est réversible et d’ailleurs souvent utilisé par les usagers quand ils considèrent que ce retard est plutôt à imputer au médecin qui n’a pas su repérer le problème, d’où cette catégorie de « patients impatients » qui s’autorisent d’une compétence acquise par l’expérience pour associer un traitement à une affection reconnue.

Du côté de l’industrie pharmaceutique, il y a au contraire approbation. Mais les arguments éthiques, liées à la responsabilisation, peinent à masquer les motivations économiques qui tendent à faire du patient un consommateur et à créer la confusion entre information et publicité. Les pharmaciens, quant à eux, sont partagés et insistent sur leur rôle de conseil. Enfin, l’automédication encadrée telle qu’elle est promue par l’Assurance maladie est limitée aux affections bénignes et aux traitements courts, elle proscrit le recours à la « pharmacie familiale » alors qu’on y trouve la plus grande part des ressources de l’automédication, seuls 28% des médicaments utilisés sans ordonnance étant achetés en pharmacie.

Parmi ceux-ci, les antalgiques se taillent la part du lion, on ne s’en étonnera pas, la douleur étant le symptôme le mieux partagé. L’auteure décrit les différentes phases, perceptive et cognitive, de l’auto-examen clinique qui conduit à l’interprétation de la douleur ou du malaise, la recherche de signes dans le contexte quotidien – un motif de stress ou une modification des habitudes alimentaires. Savoir aussi s’il faut considérer la manifestation corporelle comme le symptôme d’une pathologie, comme la pathologie en soi ou comme une de ses conséquences. Dans la population diverse des adeptes de l’automédication, il y a les « expérimentateurs », qui essaient des combinaisons nouvelles ou, comme ces patients atteints de diabète qui testent les informations médicales en examinant les effets produits par la consommation d’aliments interdits ; ceux qui recherchent les éléments d’un autodiagnostic sur les forums de discussion et communiquent leurs suggestions de traitement ; les timides, qui hésitent à présenter au médecin les ravages d’un herpès génital ou les disgrâces d’une crise sévère d’hémorroïdes, et ceux qui, blasés savent d’avance ce que prescrira le médecin ; ou encore les bravaches, auxquels il faut une médecine plus raide…

L’influence du milieu social sur la pratique de l’automédication est un sujet controversé. Certains auteurs estiment qu’elle est plus fréquente dans les milieux populaires, en partie en raison de son moindre coût mais d’autres ont établi une corrélation entre le niveau social et la perception des symptômes. D’une manière générale, l’automédication engagerait un rapport différent au corps, aux médicaments mais aussi à l’autorité médicale. Et surtout elle contribuerait à « démédicaliser son symptôme ".

Sylvie Fainzang : L’automédication ou les mirages de l’autonomie (PUF) / Revue Pratiques Les cahiers de la médecine utopique N°64 Dossier Le secret en médecine

Nous pouvons aussi poursuivre la réflexion par exemple sur le Mercantilisme, libéralisme et malthusianisme à travers un article de Dominique Michaut du 04 décembre 1998, LEM 83.  

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Mise à jour le 14.04.2018 :

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