vendredi 26 octobre 2012

Santé mentale en population générale : Images et réalités

Le Pr. Marcellin Andriantseheno a participé à l'enquête réalisée par L'Association Septentrionale d'Épidémiologie Psychiatrique (ASEP) entre 1998-2000.



Afin de mieux aider ces sujets en détresse, ces travaux remettent en question le dicton malgache "Ny adalan'ny tena rakofan-damba", autrement dit : "On cache le malade mental de la famille" qui se contente, ainsi, de fuir le réel...   



Comme nous sommes tous concernés, voici un extrait du Rapport Définitif de la Première Phase :

  • La plupart des personnes connaît dans son entourage un "fou", un "malade mental" ou un "dépressif" 
  • Une grande proportion de personnes est déjà entrée dans un hôpital ou un service de psychiatrie (visite, travail ou hospitalisation)
  • En France, près de 30% des personnes interviewées déclarent avoir déjà pris des médicaments pour les nerfs (essentiellement des anxiolytiques), elles ne sont que 5 à 10% dans les sites de l’Océan indien.
  • En France, 5 à 15% des enquêtés déclarent avoir suivi une psychothérapie  ; aux Comores, à Madagascar et à Maurice, le recours aux pratiques religieuses et magico-religieuses est prégnant.
  • En cas de problèmes psychologiques, les personnes interrogées chercheraient d’abord de l’aide auprès de leurs proches, puis de leur médecin généraliste  ; le recours religieux et/ou magico-religieux est marqué aux Comores et à Madagascar.
  • Aux Comores et à Madagascar, ce sont d’abord les médecins généralistes et les recours religieux et/ou magico-religieux qui sont évoqués comme "alternative" essentielle à l’hôpital psychiatrique (sachant que peu, voire pas, de structures de soins psychiatriques sont disponibles dans ses sites)(...) L’hôpital psychiatrique n’est pas considéré comme un lieu de soins pertinent pour le "dépressif" (...) Aux Comores et à Madagascar ce sont en majorité les églises, les temples et les cabinets de marabouts qui sont privilégiés. 
  • Tout le monde pense que la famille d’un "fou", d’un "malade mental" et d’un "dépressif" souffre. C’est un invariant, quel que soit le site. 
  • La tolérance est ambiguë. Les représentations sont porteuses de stigmates mais les gens pensent que le "fou" et le "malade mental" sont exclus de leur famille, mais qu’on peut les réintégrer, s’ils sont soignés. 
  • Le "fou" c’est l’autre  ; le "dépressif" cela peut-être soi. Beaucoup de personnes interrogées connaissent un "fou" ou un "malade mental" dans leur entourage, mais peu se définissent comme tel ("fou" ou "malade mental"). Les descriptions de la "folie" et de la "maladie mentale" faites par la population, sont très proches l’une de l’autre.
  • Les troubles dépressifs (épisode dépressif majeur, isolé ou récurrent, actuel et/ou passé et dysthymie), présentent une prévalence globale de 14% (1334 personnes), se répartissant de 7,5% dans les Pyrénées Orientales à 22% à Tananarive (Comores  4,7%). (...) Les troubles dépressifs atteignent toutes les classes d’âge.
  • Quel que soit le site, les conséquences des troubles sur le travail et la vie quotidienne sont importantes et constantes. La gêne perçue dans la vie de tous les jours, le travail et les relations avec les autres est particulièrement forte chez les personnes présentant des troubles dépressifs (60% de ces personnes ont une gêne associée). 
Voici quelques recommandations  en terme de santé publique :

  • Aider les familles dans la prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux
  • Agir sur l’environnement de la personne
  • Lutter contre la précarité, l’éclatement familial et favoriser la solidarité
  • Réfléchir au problème de la violence
  • Faire évoluer le système de soins 
  • Cesser de créer des structures de soins répétant l’enfermement, l’exclusion et la stigmatisation asilaire ou transformer radicalement les hôpitaux concentrationnaires
  • Former les acteurs de santé primaires à diagnostiquer et soigner l’anxiété et la dépression. Aider au dépistage.
  • Développer des collaborations étroites avec les médecins généralistes en première ligne
  • Respecter les particularismes locaux, en particulier les tradipraticiens et tolérer le pluralisme des prises en charge (car les résultats sont cumulatifs). 
  • Sensibiliser la population générale aux problèmes de santé mentale
  • Organiser des campagnes de promotion de la santé mentale
  • Lutter contre les perceptions négatives
  • Intégrer les usagers aux décisions les concernant
  • Promouvoir la recherche et les échanges inter-sites, inter-îles, inter-pays
  • Approfondir les données anthropologiques et épidémiologiques
  • Continuer les actions de recherche pluridisciplinaire
  • Mettre en place la télémédecine


DISCUSSION - CONCLUSIONS :  

  • Ainsi, nous pouvons constater que l'augmentation des richesses ne diminue pas les troubles mentaux.
  • L'idée d'une politique citoyenne de santé mentale peut être une référence pour une laïcité moderne dans un contexte où l'on voit bien comment la mondialisation réactive, dans une ultime résistance peut-être, le religieux plus ou moins fanatisé d'un côté et un individualisme réduit à sa capacité purement consommatrice de l'autre. 
Version complète consultable sur le site de www.epsm-lille-metropole.fr 

Article complémentaire sur ce blog datant du 14 juillet 2012