samedi 19 janvier 2013

2013 et après ?

Cette nouvelle année est l'occasion de faire le bilan sanitaire du service de santé malgache.

Trente huit ans après la promesse d'un "paradis socialiste", force est de constater que la dure réalité des malgaches confirme la maxime "l'enfer est pavé de bonnes intentions".

Cependant avant de jeter l'enfant avec l'eau du bain, voyons le contenu du programme de santé publique élaboré et publié par Didier Ratsiraka le 26 aôut 1975 dans le Livre Rouge : 

"DE LA SANTÉ PUBLIQUE"

«Mens sana in corpore sano» avons nous dit pour la promotion de l'homme malgache. Le droit à la santé et au bien être est une aspiration légitime du peuple malgache mais ce droit à la santé, pour être satisfait, exige l'existence d'un personnel médical suffisant en nombre, et une infrastructure médicale convenable en quantité et en qualité. Ce qui, il faut bien l'admettre, est loin d'être le cas.

Les structures sanitaires actuelles dont la plupart sont héritées de l'ère coloniale ont été conçues en fonction des besoins de la minorité dominante.

Les hôpitaux, les postes sanitaires étaient installés là où se trouvait la plus forte concentration de la classe dominante, donc dans les villes au détriment des campagnes.

La situation n'est guère plus brillante aujourd'hui. La pathologie dominante à Madagascar est constituée par les maladies transmissibles. Elles atteignent les groupes les plus vulnérables : femmes enceintes, nourrissons, enfants d'âge préscolaire et scolaire, paysans adultes. Elles se localisent dans un milieu de prédilection : le monde rural, en raison des facteurs contributifs défavorables régnant dans cet environnement :
  • le manque de moyens sanitaires déjà cité
  • la malnutrition
  • l'absence quasi totale de dispositif en matière d'hygiène
seulement :
  • 1,5 % des maisons sont dotées de puits
  • 3 % de fosses à ordures
  • 6 % de latrines
et seulement :
  • 16 % de la population rurale disposent  d'une adduction d'eau potable.
Enfin, derniers facteurs défavorables :
  • le comportement culturel de nos populations enracinées dans certaines traditions séculaires
  • et l'agressivité de l'environnement physique (zone subdésertique du Sud, littoral Est régulièrement frappé par les dépressions tropicales). 
Il est évident que sur cette pathologie (maladies transmissibles) une thérapeutique uniquement curative sera vouée à l'échec. Vu les lourdes charges que cela implique pour l'Etat, c'est là une médecine de pays nantis.

Seule une orientation sanitaire tournée vers l'éducation de masse et la prévention aura plus de prise et d'efficacité.

Du point de vue de l'organisation et de l'utilisation des moyens sanitaires (personnel, matériel, budget) nous constatons un déséquilibre qu'il convient de redresser dans les meilleurs délais.

Le Personnel

Il y a relativement une insuffisance plus quantitative que qualitative. Au 1er  Janvier 1973, Madagascar ne compte qu' 1 médecin pour 12.000 habitants  - et la répartition géographique révèle une trop grande disparité :
  • 1 médecin pour 6 000 habitants dans la Province de Tananarive
  • 1 médecin pour 16 000 habitants pour Majunga
  • 1 médecin Pour 22 000 habitants Pour Fianarantsoa
  • 450 médecins (chiffre Officieux) travailleraient en France, pour moins de 670 à Madagascar (fuite de cerveaux).
De plus :
  • 170 médecins travaillent dans le privé ou dans les formations inter entreprises
  • 26 Chirurgiens dentistes dans le privé contre 14 dans le secteur public
  • 66 pharmaciens contre 31 dans le secteur public.
L’INFRASTRUCTURE ET LEQUIPEMENT

5 hôpitaux principaux et 1 hôpital général seulement fonctionnent dans le secteur publie contre 3 dans le secteur privé - ce qui favorise encore l'exode du personnel de l'Etat Pour le secteur privé où le personnel médical est attiré par des émoluments et des honoraires plus confortables.

LE BUDGET

Il est patent que ce budget est nettement insuffisant eu égard aux besoins du pays. De plus il est inégalement réparti entre les villes et les campagnes.

1,25 milliards Pour les hôpitaux des villes contre 2 milliards seulement pour les formations des campagnes où vivent 85 % de la population, d'où un écart de 1000 à 28 entre Tananarive et sa campagne.

Enfin, l’utilisation du budget de la «Santé» n'est pas très rationnelle :
  • 62 % sont utilisés en salaire du personnel
  • 20 % pour les médicaments
  • 15 % pour le fonctionnement proprement dit
  • 3 % seulement pour l'entretien des bâtiments.
Par conséquent, vu :
  •  la faiblesse des moyens budgétaires
  • l'insuffisance en personnel
  • le nombre élevé (100) de formations sanitaires dont l'ouverture est différée sinon arrêtée faute de moyens
  • les déséquilibres régionaux entre villes et campagnes - entre secteur public et secteur privé…
Le Gouvernement prendra des mesures strictes pour :
  • mieux utiliser les moyens existants
  • mieux entretenir le patrimoine actuel
  • améliorer le fonctionnement des petites formations rurales
  • planifier sérieusement la création des formations nouvelles en fonction des besoins et des moyens et en fonction d'une meilleure justice sociale
  • intensifier et accélérer la formation des cadres
  • décentraliser des 1976 les écoles d'infirmiers diplômés d'Etat à l'instar des écoles de sages femmes
  • utiliser de façon optimale le service national rénové (voir armée nationale populaire)
  • multiplier les équipes sanitaires mobiles
  • revoir les conditions d'agrément du personnel médical dans le secteur privé
C'est seulement au prix de ces efforts et sacrifices que nous pouvons assurer pleinement la prévention de la maladie. Cette prévention nécessite l'organisation de vastes campagnes de prophylaxie, exigeant la mobilisation de toutes les bonnes volontés (médecins. étudiants, techniciens sanitaires, forces armées…)

Les programmes d'enseignement doivent être orientés en fonction de ces objectifs et de ces nécessités.

(page 91 - page 95)
J'invite les candidats à la prochaine élection présidentielle à méditer sur les raisons de l'échec de ce charmant programme qui aurait fait le bonheur de tous.

Pour ma part, voici quelques raisons :
  • Le manque d'exemplarité (les dirigeants n'ont pas appliqué l'austérité imposée au peuple, alors qu'ils continuaient à baigner dans leur privilège)
  • L'achat de Mig et d'armements divers s'est fait au détriment de la santé publique
  • La politique contre la fuite des cerveaux était vide de substance puisque cela perdure encore (beaucoup de diplômés des universités malgaches aussi deviennent chauffeurs de taxi pour survivre)
  • Le programme d'éducation de la population à l'hygiène se limitait à la condamnation des "traditions séculaires" alors que cela aurait pu être un levier de développement (par exemple, la mise en valeur de la phytothérapie. (savoir des devins guérisseurs) - (artemisinine)


 Faut-il encore attendre

                    trente autres années                           

                                                       

avant de prendre son destin en main ? 
                                                            

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Mise à jour ce 07.07.2018 :

    Entre 1975 et 2017, qu'est-ce qui a changé dans les campagnes malgaches en terme de soins ?

   Pas grand chose d'après le témoignage de ce photoreporter... 

(photoreportage de James Patrcik)